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La Clause de médiation obligatoire

  • par Sylvia Greco
  • 08 nov., 2018

La Cour de cassation a tranché : la Clause de médiation insérée dans un contrat s’impose aux parties avant toute action judiciaire

La Cour de cassation a tranché : la Clause de médiation insérée dans un contrat s’impose aux parties avant toute action judiciaire. Mieux, elle constitue, en l’absence de sa mise en œuvre, une fin de non-recevoir opposable à tout moment dans la procédure (ici, en cause d’appel).

Lorsque l’on sait qu’une fin de non-recevoir peut être opposée jusqu’en cassation, il est facile de mesurer les conséquences sur la procédure de ce défaut de mise en œuvre.

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Chambre civile 3
Audience publique du 6 octobre 2016
N° de pourvoi: 15-17989
ECLI:FR:CCASS:2016:C301065
Publié au bulletin

Cassation sans renvoi

Chauvin (président), président
Me Blondel, SCP Richard, avocat(s)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :  

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 20 février 2016 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 10 mars 2015), que, le 27 mars 2008, la SCI Bordeaux-Bonnac a donné à bail à la société Casapizza France un local dépendant d’un centre commercial en cours de construction, le contrat devant prendre effet à la date de livraison au preneur, au minimum trois mois avant l’ouverture au public ; qu’en dépit de plusieurs mises en demeure, la société Casapizza France n’a pas pris possession des locaux ; que la SCI Bordeaux-Bonnac l’a assignée en paiement de l’indemnité d’immobilisation prévue au bail ;

Attendu que, pour déclarer recevable la demande de la société Bordeaux-Bonnac, l’arrêt retient que, s’il est acquis que la clause d’un contrat instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent, il demeure que la régularisation peut intervenir devant la cour d’appel avant qu’elle ne statue, même si la fin de non-recevoir a été retenue par le tribunal ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure de médiation obligatoire et préalable à la saisine du juge n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu’il y a lieu de faire application de l’article 627 du code de procédure civile, la cassation encourue n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mars 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la demande de la société Bordeaux-Bonnac irrecevable ;

Condamne la société Bordeaux-Bonnac aux dépens d’appel et de cassation ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bordeaux-Bonnac et la condamne à payer à la société Casapizza France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Casapizza France, Mme X…, ès qualités et la société FHB, ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable la demande de la SCI BORDEAUX-BONNAC tendant à voir fixer une créance d’un montant de 149.040 euros au passif de la Société CASAPIZZA FRANCE SAS ;

AUX MOTIFS QU’une clause de médiation étant insérée au bail, la SCI BORDEAUX BONNAC a par assignation directement saisi le Tribunal de grande instance de BORDEAUX sans mettre en œuvre préalablement la médiation contractuellement prévue ; que son action a été en conséquence déclarée irrecevable par le premier juge ; qu’elle n’a mis en œuvre la procédure de médiation que postérieurement au jugement déféré et après avoir relevé appel, soit le 25 avril 2012 ; que par ordonnance du 20 décembre 2012 le conseiller de la mise en état a ordonné un sursis à statuer jusqu’à l’issue de la procédure de médiation ; que cette médiation a échoué ; que la SCI BORDEAUX BONNAC fait valoir qu’une fin de non-recevoir issue d’un défaut de mise en œuvre d’une conciliation préalable est susceptible de faire l’objet d’une régularisation au cours de l’instance, comme d’ailleurs toutes les fins de non-recevoir ce que contestent les intimés qui estiment que la régularisation doit intervenir avant que le juge statue ; que la clause de médiation est ainsi libellée :

– Principe

Hors les différends portant sur la mise en jeu de la clause résolutoire et notamment le recouvrement des loyers charges et accessoires du bail, lesquels resteront soumis dès le constat de l’infraction aux dispositions sus visées aux articles 26,1 et 26,2 les parties entendent recourir, préalablement à toute instance judiciaire, à la médiation pour toutes les contestations qui viendraient à se produire à propos de la validité, l’interprétation, l’exécution ou l’inexécution, l’interruption ou la résiliation du présent contrat de bail (…) ;

– Conditions

La partie qui entendra faire application de la présente clause en avertira l’autre par LRAR en visant expressément le présent article et en proposant une liste de trois personnes maximum susceptibles d’être retenues comme médiateurs ; les parties choisiront alors un médiateur d’un commun accord soit sur la liste proposée soit en dehors de celle-ci étant expressément convenu que ce médiateur devra être un professionnel reconnu du sujet traiter ;

Si au terme d’un délai de 8 jours ouvrables suivant l’envoi de la lettre susvisée les parties n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur le choix du médiateur la partie la plus diligente saisira le président du tribunal de grande instance statuant en référé et du lieu de situation de l’immeuble qui nommera le médiateur en référence au critère de professionnalisme ci-dessus défini ;

Dès la consignation de ses honoraires le médiateur réunira les parties en vue de rechercher un accord ; la mission du médiateur ne pourra excéder un délai de 2 mois suivant la consignation de ses honoraires ;

La proposition du médiateur ne sera ni obligatoire ni exécutoire (…) ;

En cas d’échec de la médiation chacune des parties reprendra ses droits quant à l’exécution de l’une quelconque des clauses du présent bail et la partie la plus diligente saisira la juridiction compétente qui statuera sur le litige qui lui est soumis suivant les règles applicables en la matière » ;

Qu’il est certes acquis que la clause d’un contrat instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent mais à la condition d’une part que ses termes soient clairs et mettent en évidence la volonté des parties de faire sanctionner son inexécution par une fin de non-recevoir, d’autre part qu’elle détermine les litiges qu’elle vise et enfin qu’elle soit assortie de conditions particulières de mise en œuvre ; que tel est le cas en l’espèce ; que selon l’article 126 du Code de procédure civile dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; que cet article ne faisant aucune distinction entre la procédure de première instance et celle d’appel, la régularisation peut valablement intervenir devant la Cour d’appel et ce même si la fin de non-recevoir a été retenue par le Tribunal ; qu’en conséquence la procédure ayant été régularisée avant que la Cour ne statue, la SCI BORDEAUX BONNAC est recevable à agir ;

ALORS QUE la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance ; qu’en décidant néanmoins que la SCI BORDEAUX-BONNAC ayant mis en œuvre, en cause d’appel, la procédure de médiation obligatoire et préalable à la saisine du juge, prévue par le contrat de bail du 27 mars 2008, elle avait régularisé la situation, de sorte que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre de la procédure de conciliation ne pouvait lui être opposée, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir jugé que la Société CASAPIZZA FRANCE SAS ne démontrait pas que la SCI BORDEAUX-BONNAC s’était livrée à des réticences et manœuvres dolosives à son encontre, de l’avoir, en conséquence, déboutée de sa demande en nullité du contrat de bail commercial du 27 mars 2008 et d’avoir fixé la créance de la SCI BORDEAUX-BONNAC au passif de la Société CASAPIZZA FRANCE SAS pour un montant de 149.040 euros ;

AUX MOTIFS QUE la SCI BORDEAUX BONNAC demande la fixation au passif de la SAS CASAPIZZA FRANCE de la somme de 149040 € au titre de l’indemnité d’immobilisation telle que prévue à l’article 11 du bail, selon lequel « si le preneur refusait d’obtempérer aux injonctions du bailleur relativement à la prise de possession des lieux loués alors que toutes les conditions convenues ci-dessus auraient été remplies par le bailleur le preneur devra lui verser au jour pressenti pour la prise d’effet du bail une indemnité d’immobilisation correspondant à la somme de 149040 € » ; que la Société CASAPIZZA invoque à titre principal la nullité du bail sur le fondement du dol et à titre subsidiaire sa résolution ; qu’elle fait tout d’abord valoir qu’elle a été trompée par les manœuvres de la SCI BORDEAUX-BONNAC, qui a escamoté du bail ce qui avait été négocié entre elles à savoir la possibilité d’installer une enseigne extérieure ; que l’article 13 du bail intitulé esthétique enseigne dispose que toute installation d’enseignes lumineuses ou non de même que tout agencement en saillie sur la façade des lieux loués sont subordonnés à l’agrément exprès et préalable du bailleur, s’il y a lieu du syndicat des copropriétaires ou du président de l’ASL, outre le cas inhérent à l’obtention des autorisations administratives requises à cet effet ; qu’il en sera de même de toute modification ultérieure de ces agencements ou de leur remplacement ; que de même le preneur ne pourra installer à l’intérieur de ses vitrines tous procédés de signalisation lumineux, clignotants et/ou défilants ; que le bailleur autorise néanmoins l’apposition d’affiches, bannières ou banderoles derrière les vitrines du local sous réserve qu’elles :

  • aient pour but de promouvoir les activités du preneur,
  • ne soient pas directement collées sur les vitres mais présentées en retrait sur des supports prévus à cet effet,
  • et que si la présentation qui en sera faite devait faire l’objet de réclamations relevant son inadéquation avec l’esthétique du centre, le preneur devra aussitôt y remédier en se conformant aux recommandations faites par la direction du centre… » ;

Que les termes de ce bail, signé par la SAS CASAPIZZA, sont donc restrictifs et soumettent l’implantation d’enseignes sur la façade à l’agrément express et préalable du bailleur et de la copropriété ; que l’article 2,2,5 descriptif général énonce entre autres dispositions que toutes devantures ou enseignes posées ou installées sans l’agrément du bailleur pourront être déposées par ce dernier aux frais du preneur et que les enseignes ne pourront en aucun cas être placées sur les parties communes et sur la façade du bâtiment ; que ce descriptif n’a pas été signé par le preneur mais le bail s’y référant expressément il lui est opposable ; que par deux courriels des 21 janvier et 10 mars 2008 antérieurs à la signature du bail la SAS GAZA PIZZA FRANCE a certes insisté sur la nécessité de l’implantation d’enseignes et a fait parvenir à la SCI BONNAC sa charte enseignes pour accord et éviter tout souci d’implantation ; que postérieurement à la signature du bail elle a rappelé dans plusieurs correspondances le caractère primordial de l’implantation d’enseignes et a suspendu le dépôt de son projet d’aménagement jusqu’à la validation de celui-ci ; que des négociations se sont engagées et soldées par un échec ; qu’il ne peut certes être ignoré que la SAS CASAPIZZA, franchiseur qui exploite un concept de restauration sous la marque LA CASA PIZZA GRILL imposant divers standards et signes distinctifs, a signé le bail pour le compte d’un futur franchisé et qu’il importait que ces standards puissent être implantés dans le local pris à bail ; que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans celles-ci l’autre partie n’aurait pas contracté ; que néanmoins, outre que la SAS CASAPIZZA FRANCE, titulaire d’un réseau d’une trentaine de franchisés particulièrement rompue aux affaires, n’aurait pas manqué de faire inscrire au bail une clause lui apparaissant déterminante ou à défaut de ne pas signer ce bail, elle ne démontre pas si ce n’est par ses propres écrits que sa cocontractante ait usé de manœuvres ou de réticence dolosive de nature à vicier son consentement ;

  1. ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique ; qu’en déboutant la Société CASAPIZZA FRANCE SAS de sa demande, motif pris qu’elle ne démontrait pas, si ce n’était pas ses propres écrits, que la SCI BORDEAUX-BONNAC avait usé de manœuvres ou de réticence dolosive de nature à vicier son consentement, bien que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ait été inapplicable à la preuve de réticences et manœuvres dolosives imputables au bailleur, faits juridiques pouvant être prouvés par tous moyens, la Cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil;
  2. ALORS QUE qu’en déboutant la Société CASAPIZZA FRANCE SAS de sa demande, au motif que cette dernière, titulaire d’un réseau d’une trentaine de franchisés et particulièrement rompue aux affaires, n’aurait pas manqué de faire stipuler au bail une clause relative à la faculté d’apposer une enseigne extérieure si cette faculté avait été déterminante de son consentement, la Cour d’appel, qui s’est prononcée par des motifs impuissants à exclure les manœuvres dolosives et le vice du consentement qui en était résulté, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code civil.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (très subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la Société CASAPIZZA FRANCE SAS de sa demande tendant à voir prononcer la résolution du contrat de bail commercial du 27 mars 2008 aux torts de la SCI BORDEAUX-BONNAC et d’avoir fixé la créance de cette dernière au passif de la Société CASAPIZZA FRANCE SAS pour un montant de 149.040 euros ;

AUX MOTIFS QU’à titre subsidiaire, les intimées concluent à la résolution du bail faisant valoir qu’il existe une contradiction entre l’article 13 du bail et l’article 2,2,5 du descriptif général qui doit être interprété selon la commune intention des parties et dans le doute en sa faveur, et que le bailleur, en s’opposant à sa demande d’implanter une enseigne extérieure sans même l’étudier, a manqué à ses obligations visées à l’article 13, alors qu’il s’agissait pour le preneur d’une condition essentielle ; que d’une part, c’est en connaissance de cause que le preneur a signé le bail acceptant ainsi le descriptif ; que d’autre part, le bailleur a fait des efforts (lettre du 12/9/2008) pour obtenir de l’architecte et des diverses entités l’implantation d’enseignes extérieures et n’a fait qu’user de la faculté offerte par le contrat ; qu’il ne peut en conséquence lui être reproché de manquement au regard des termes du bail et du descriptif ; qu’en conséquence les intimées seront déboutées de leur demande de nullité et de résolution du bail en date du 27 mars 2008 ;

ALORS QU’aux termes de sa lettre du 12 septembre 2008, la SCI BORDEAUX-BONNAC se bornait à indiquer à la Société CASAPIZZA FRANCE SAS avoir accepté « de faire ses meilleurs efforts pour tenter d’obtenir pour le compte du Preneur, de la part de l’architecte ainsi que les différentes entités concernées (Mairie, AFUL, Eiffage Immobilier en particulier) l’autorisation d’apposer une enseigne drapeau qualitative (du type de celle de la résidence Adagio) sur la façade sud, le long de la rue Bonnafe » et qu’« une autre enseigne pourra être envisage le cas échéant sur la façade est, le long de la rue Saint Sernin sous forme de drapeau amovible faisant partie du mobilier de la terrasse du preneur », ce dont il résultait que la SCI BORDEAUX-BONNAC avait uniquement affirmé s’engager à favoriser l’autorisation sollicitée, sans pour autant qu’il en soit résulté qu’elle avait effectivement agi en ce sens ; qu’en affirmant néanmoins qu’il résultait de cette lettre que le bailleur avait effectivement fait des efforts pour obtenir de l’architecte et des diverses entités l’implantation d’enseignes extérieures, la Cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l’article 1134 du Code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux, du 10 mars 2015


Nouveau paragraphe
par Sylvia Greco 25 mars, 2024
Un arrêt très important en matière de preuve a été rendu par la Cour de Cassation réunie en Assemblée Plénière en fin d’année 2023.
Il est particulièrement notable dans la mesure où il remet en question l’irrecevabilité de principe des preuves obtenues au moyen de procédés déloyaux.
En l’espèce, l’employeur avait rapporté la preuve des fautes reprochées au salarié en produisant des enregistrements.
Or, lesdits enregistrements avaient été obtenus à l’insu du salarié.
La Cour de Cassation admet dans cet arrêt rendu le 22 décembre 2023 que même si les enregistrements sont clandestins et obtenus sans l’autorisation du salarié ils constituent pour l’employeur un moyen de preuve de la faute et ne doivent pas être écartés pour ce seul motif.
Les hauts magistrats considèrent, en effet, que même obtenue de manière illicite, la preuve doit être retenue dès lors qu’elle est indispensable au succès de la prétention et qu’elle ne porte pas atteinte aux autres droits de manière proportionnée.
L’idée est de ne pas conduire à priver une partie de tout moyen de faire la preuve de ses droits.
Ainsi désormais, la Cour de Cassation ne retient plus par principe l’irrecevabilité de la preuve obtenue par un moyen déloyal mais vérifie que le droit à la preuve ne va pas à l’encontre des autres droits fondamentaux de manière disproportionnée.
Ce revirement de jurisprudence est d’autant plus essentiel que les moyens de communication actuels offrent aux justiciables un panel de ressources en matière de preuve dont le droit en vigueur aurait pu freiner l’expansion.

Cass. Ass. Plen. 22 déc 2023 n°20-20648
par Sylvia Greco 02 déc., 2022

La médiation prend de plus en plus sa place dans la vie judiciaire.

Lorsqu’une instance est en cours, le juge peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation.

Il rend alors une ordonnance en désignant le médiateur et précisant qu’il a pour mission d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose (article 131-1 du code de procédure civile)

Le décret n°2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation va plus loin puisqu’il prévoit qu’à défaut d'avoir recueilli l'accord des parties prévu à l'article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu'il détermine, un médiateur chargé de les informer de l'objet et du déroulement d'une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d'administration judiciaire. »

Les parties sont ainsi contraintes de s’informer et devront remettre au magistrat une attestation démontrant qu’elles ont reçu cette information.

On ne peut que se réjouir de l’action du législateur en faveur de la généralisation de la médiation, et sa volonté affichée de faire évoluer la justice pour la rendre plus consensuelle.

Toutefois, dans certaines affaires la médiation est impossible notamment quand une partie est défaillante.

Dès lors, la décision du juge est attendue avec impatience. L’injonction de rencontrer un médiateur pour s’informer n’a aucun sens. Les parties ne la comprennent pas. Le temps perdu retarde d’autant l’issue de la procédure.

Or, la médiation permet au contraire de gagner du temps.

Ce mode amiable de règlement des différends doit donc être utilisé à bon escient.

par Sylvia Greco 26 avr., 2022

Pour fixer le montant de la prestation compensatoire due par un époux à son conjoint, le juge, après avoir constaté qu’il existait une disparité dans leurs conditions de vie respectives , prend en considération l’ensemble de leurs ressources.

Toutefois la pension alimentaire versée au titre du devoir de secours ou l’avantage constitué par la jouissance gratuite du domicile conjugal accordé par le juge ne peuvent pas être pris en compte.

La cour de cassation vient une nouvelle fois de le rappeler dans un arrêt rendu par la 1ère chambre civile le 13 avril 2022 (n°20-22.807).

La cour d’appel  de Paris a, en effet, été censurée pour avoir rejeté la demande de prestation compensatoire formée par l’épouse en retenant que celle-ci bénéficiait de la jouissance gratuite du domicile conjugal depuis environ 7 ans.

En application de l’article 271 du code civil, le juge fixe la prestation compensatoire en tenant compte de la situation des époux   au moment du divorce  

Or, la pension alimentaire en numéraire comme la jouissance gratuite d’un bien cesse au moment où le divorce est prononcé.

Ces éléments n’ont donc pas à être inclus dans les ressources pour apprécier le droit à prestation compensatoire ni son chiffrage.

par Sylvia Greco 07 janv., 2022
La médiation judiciaire est un processus à tout moment de la procédure
par Sylvia Greco 13 juil., 2021

Les règles d’exercice de la profession d’avocat imposent une confidentialité des correspondances. Ce principe découle du secret professionnel.

Le client s’étonne parfois que son avocat ne le mette pas en copie des échanges avec son confrère, ou refuse toute communication de correspondances préférant n’en fournir que la teneur.

Les principes et exceptions issus du règlement intérieur national de la profession d’avocat sont les suivants :

- Tous les échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu'en soit le support (papier, télécopie, voie électronique …), sont par nature confidentiels. Les correspondances entre avocats, quel qu’en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice, ni faire l’objet d’une levée de confidentialité.

- Peuvent porter la mention officielle et ne sont pas couverts par le secret professionnel, au sens de l’article 66.5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 :

  • une correspondance équivalant à un acte de procédure ;

  • une correspondance ne faisant référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels. Ces correspondances doivent respecter les principes essentiels de la profession définis par l’article 1er du présent règlement.

Ainsi, pour qu’une correspondance ne soit pas couverte par le secret professionnel, elle doit porter la mention «officiel» et doit équivaloir à un acte de procédure et ne pas se référer à des échanges antérieurs confidentiels.

Une jurisprudence récente est venue souligner l’importance de cette mention en précisant que « les correspondances entre avocats faisant état d’un désistement ne peuvent bénéficier de la levée de confidentialité  ». L’absence de mention « officiel » manifeste l’intention de son auteur de ne pas lever le secret de la correspondance.

CA Rouen, 26 mai 2021, n° 20/01750

 

par Sylvia Greco 08 sept., 2020

Lors d’un entretien en vue d’une embauche, l’employeur ne doit poser que des questions en relation directe et nécessaire avec l’emploi pour lequel le candidat postule.

Les questions doivent permettre au futur employeur d’évaluer le candidat, de vérifier qu’il a les capacités requises pour le poste ( article L 1221-6 du Code du travail )

De son côté, « le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations ».

La collecte d’information est strictement réglementée et les questions trop personnelles comme celles qui concernent la famille (profession du conjoint, âge des enfants etc), ou l’état de santé (maladie déclarée, poids, taille etc) sont interdites.

Il n’est pas rare que le futur employeur contacte l’entreprise dans laquelle le candidat est encore en poste ou a été employé pour se renseigner sur ses aptitudes professionnelles.

Cependant, il doit, au préalable, avoir obtenu l’accord du candidat. L’autorisation ainsi donnée doit être expresse, elle ne peut pas se déduire. Généralement, il est recommandé au recruteur d'être assuré du consentement du candidat par la rédaction d’une autorisation écrite.
par Sylvia Greco 16 avr., 2020
La résolution amiable du différend est toujours possible même quand on reste chez soi, car les motifs de conflit ne s'efface pas pendant le confinement au contraire. La médiation permet de créer un espace de dialogue apaisé et trouver des solutions à tous les litiges.
par Sylvia Greco 30 sept., 2019
Nouvelle loi sur la réforme de la justice prévoyant la simplification de l'accès au juge avec une volonté de privilégier les modes amiables
par Sylvia Greco 31 janv., 2019

Ce règlement adopté par le Parlement européen depuis plus de 2 ans est entré en vigueur le 29 janvier 2019. Il doit permettre de mettre en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux

En d’autres termes il s’applique aux couples binationaux ou vivants à l’étranger

Jusqu’à présent les unions internationales étaient régies par la Convention de la Haye du 14 mars 1978 qui instaurait un principe de mutabilité de la loi applicable c’est-à-dire un changement de régime quasi automatique quand le couple partait à l’étranger.

 La nouvelle règlementation remplace ce principe par le choix volontaire laissé aux couples.

Ils pourront donc désormais opter pour

- la loi du pays où ils ont leur résidence habituelle

- la loi du pays dont ils ont tous deux la nationalité

- la loi du pays avec lequel ils ont les liens les plus étroits

 La loi ainsi choisie s’appliquera à l’ensemble du patrimoine du couple quel que soit le pays dans lequel sont situés les biens ; c’est le principe d’unité de loi applicable

 Si le règlement ne s’applique qu’aux unions célébrées après le 29 janvier 2019, les biens des couples qui ont fait le choix d’une loi applicable s’y trouveront soumis même si l’union a eu lieu avant cette date.

EN CAS DE DOUTE SUR LA LOI APPLICABLE N’HESITEZ PAS A NOUS CONSULTER



par Sylvia Greco 20 déc., 2018

La liberté d’expression est protégée dans l’entreprise. Aucune sanction ne peut être prise contre un salarié qui exprime ses opinions politiques, religieuses ou autres.

L’usage abusif de cette liberté d’expression est caractérisé par l’emploi de propos injurieux voire diffamatoire. En cas d’abus, l’employeur peut prendre des sanctions à l’encontre du salarié.

Même s’il n’écrit pas sur sa page facebook pendant le temps de travail, le salarié peut faire l’objet d’une procédure disciplinaire s’il tient des propos dénigrants, humiliant ou injurieux à l’encontre de son employeur

Mais la Cour de Cassation vérifie le caractère public ou privé de la publication facebook .

Dans un arrêt du 12 septembre 2018 (n°16-11-690) la chambre sociale a considéré que les propos tenus sur le compte facebook accessible à un groupe fermé composé de seulement 14 personnes relevaient d’une conversation de nature privée. Le licenciement n’étant pas fondé l’entreprise a dû verser des dommages et intérêts à la salariée.


Extrait de l’arrêt du 12 septembre 2018

« Mais attendu qu'après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site facebook et qu'ils n'avaient été accessibles qu'à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu'ils relevaient d'une conversation de nature privée, la cour d'appel a pu retenir que ces propos ne caractérisaient pas une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le grief ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ; »

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